Chronique du concert de Fermin Muguruza en Euskal Herria

Chronique du concert de Fermin Muguruza (Kortatu, Negu Gorriak)

Nous voilà partit pour un déplacement au Pays-Basque en cette fin d’année, pour un concert très attendu. On avait pris les places en avril dernier et on peut dire que chance nous avait accompagné puisque toutes ont été arrachées en quelques minutes ! C’est qu’il s’agit, pour nos plus jeunes lectrices et lecteurs des 40 ans de carrière de Fermin Muguruza ! Le célèbre chanteur des légendaires KORTATU et NEGU GORRIAK, pionniers du ska au Pays-Basque et plus généralement dans l’État
espagnol dont la tournée prend ancrage en Hegoalde (Pays-Basque sud) avec deux dates à l’Arena de Bilbo après un concert inaugural à l’Atabal de Biarritz.

Arrivés à Bilbo notre fine équipe part en fin de matinée découvrir la ville et les coutumes locales – la bringue – et, hasard du calendrier, ce samedi est la fête de Santo Tomas. À l’origine, il s’agissait des habitant-es des montagnes qui descendaient à Bilbo le 21 décembre et vendaient leurs productions. La coutume est restée et, en plus d’un grand marché, désormais se déroule également une grande
fête dans le Casco Viejo.

Les rues sont noires de monde et une ambiance populaire règne, où tous types de personnes ont l’air de faire la fête ensemble. Chacun venant manger son talo et boire du fameux txakoli dans les rues. Au détour d’une rue nous tombons sur des musiciens reprenant des chants basques, qui seront euxmêmes repris par tous les passants, jeunes et moins jeunes. On décide tout de même de s’écarter un
peu pour faire un passage à Bilbi Enparantza dans le quartier de la Vieja, plus vieux de Bilbo et historiquement populaire et militant afin d’y contempler les fresques antifascistes qui recouvrent les murs et boire un verre dans un des nombreux bars de la place. Ceux-ci sont, pour la plupart, associatifs et tenus par des orga politiques, les basques ayant une forte culture des lieux autonomes notamment via les gaztexe présents partout dans le Pays-Basque qui sont des lieux, souvent occupés,
de vie et de culture autogérés.
Un groupe donne un concert sur la place et reprend de l’Irish Rebel Song égayant tout le beau monde qui s’y trouve.

Le temps file et voilà l’heure de retrouver des camarades avec qui nous nous rendons au concert. Pour nous fondre dans la masse et faire un infarctus à nos camarades straight edge, nous rebuvons
quelques verres par ci par là, ces derniers sont resservis plus vite que l’on arrive à les écluser. Autant le dire, la bringue bat son plein et la première partie du concert passera donc à la trappe. Pour autant, ça permettra de s’emparer de l’ambiance de la ville encore un peu et de s’apercevoir à quel point, ici, la politique est importante. Dans quasi chaque bar trône un drapeau palestinien ou pour le rapprochement des prisonniers basques, quelques sticks et autres signes qui te font sentir à la maison, qu’importe la porte que tu pousses.

Arrivés sur le site du concert, la file est encore immense alors que la première partie doit toucher à sa fin. Avant même d’entrer, on sent l’ambiance et la ferveur qui montent, et une fois passés les portes (et une katxi pour la route tout de même), c’est une vraie claque en découvrant la salle,. On est loin des salles françaises pour ce genre de concert, oubliez les caves plus ou moins humides. Nous sommes situés dans les gradins et, bien qu’étant déçu de l’emplacement au départ, celui-ci nous
permettra de nous imprégner et de se rendre compte de l’atmosphère régnant dans l’Arena. Près de 10 000 personnes, debout et surexcitées attendant le début du concert de ce bon vieux Fermin !.

Enfin le concert commence, Fermin Muguruza entre en scène et entame Urrun, faisant instantanément danser toute la salle, qui n’attendait que ça, devant des écrans géants diffusant d’immenses drapeaux antifascistes. S’en suit près de 2 h 30 de concert durant lequel l’ambiance ne retombera pas, grâce à de nombreux morceaux cultes de KORTATU et NEGU GORRIAK, avec bien entendu des moments fous sur Zu Atrapatu Arte ou Sarri Sarri. Le public est en surchauffe et reprend
en chœur les paroles. Chose qu’il fera sur la quasi-totalité du show, ces gens ne prennent pas de pause !.

Pendant tout le concert des images antifascistes, anti-impérialistes, en hommage aux disparu-es, notamment Iñigo Muguruza, frère de Fermin décédé en 2019 ou encore Aitor Zabaleta, Iñigo Cabacas et Federico Aramburu, ce joueur de rugby encensé au Pays-Basque et assassiné en mars 2022 en plein Paris par des gudards, sont diffusées sur les écrans géants, ajoutant quelque chose d’encore plus fort au spectacle. Fermin Muguruza adressera souvent quelques mots et messages politiques entre les morceaux. Vers la fin du concert, dans les gradins, tout le monde lèvera une feuille ornée sur le recto du drapeau Palestinien et sur le verso du drapeau du Liban sur Yalah, Yalah, Ramallah !, puis une personne viendra faire flotter un grand ikurriña (le drapeau basque) au-dessus de la fosse pour les derniers sons.

On ressent la différence avec chez nous, où quasiment (et encore, cet adverse semble malheureusement superflu) aucun artiste contre-culturel n’arrive à rassembler autant de monde, pour un tel spectacle avec un tel fond politique. Quand on pense que les médias poussent certaines daubes mainstream comme si c’était la quintessence de l’engagement ou que certains restent bloqués sur Tagada Jones ou LSM, on voit le fossé qui nous sépare… Bref, on ressort de là impressionnés par la force dégagée du concert, cette foule immense chantant et dansant pendant plusieurs heures l’antifascisme tel qu’on le conçoit : antiraciste, anti-impérialiste
et anticapitaliste. Ce concert entre sans aucun doute dans notre top 5 et pas à la cinquième place.

Merci Fermin !

Portfolio